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Alpes-Maritimes

Région :
Provence-Alpes-Côte d'Azur
Département :
Alpes-Maritimes

Préfets :
Paul Escande
(09/1944 - 08/1946)
Marcel Ribière
(1940 - 1943) Marcel Julien Henri Ribière, Préfet de la région de Marseille (Alpes-Maritimes, Basses-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence), Bouches-du-Rhône, Corse, Gard, Hautes-Alpes, Var et le Vaucluse) (1892-1986)
(23/07/1943 - Mai 1944) Marie Joseph Jean Chaigneau, Préfet de la région de Marseille (Alpes-Maritimes, Basses-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence), Bouches-du-Rhône, Corse, Gard, Hautes-Alpes, Var et le Vaucluse). Arrêté en mai 1944 par les Allemands, il est déporté au camp d'Eisenberg
Jean Moyon
(08/1944 - 09/1944) Préfet des Alpes-Maritimes
Raymond Aubrac
(1944 - 1945) Raymond Aubrac, de son vrai nom Raymond Samuel, Commissaire de la République de la région de Marseille (Alpes-Maritimes, Basses-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence), Bouches-du-Rhône, Corse, Gard, Hautes-Alpes, Var et le Vaucluse) (1914)
Paul Haag
(1945 - 1946) Paul Maurice Louis Haag, Commissaire de la République de la région de Marseille (Alpes-Maritimes, Basses-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence), Bouches-du-Rhône, Corse, Gard, Hautes-Alpes, Var et le Vaucluse) (1891-1976)

À lire, à voir…

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Texte pour ecartement lateral

Henri Einesy

Colonel
Texte pour ecartement lateral

Vence 06140 Alpes-Maritimes
Date de naissance: 07/01/1892 (Cannes)
Date de décès: 04/04/1958
Réseau de sauvetage : Fisera Joseph
Profession: Maire
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Henri-Einesy
Inauguration du MACE en présence du Colonel Henri Einesy
source photo : USHMM, coll. Joseph Fisera
crédit photo : D.R.
Histoire

Un maire sous Vichy

C’est à Cannes que naît, le 7 janvier 1892, Henri Einesy. Son père Jean, avocat , possède le « Château des fleurs », une vaste demeure construite au début du XIXe siècle située sur la commune de Vence, elle tient son nom de son premier propriétaire, un parfumeur de Grasse. Une propriété qui a aussi un riche passé, au XIVe siècle c’est une abbaye, possession des moines bénédictins de Saint Victor à Marseille ; et jusqu’à la Révolution elle fera partie de la commune des Malvans, avec le château dit « de la reine Jeanne » et le village attenant. Le père de Henri Einesy possède aussi plus de 600 hectares, soit la plupart des terres de la Sine et du vallon de Tourrettes ; un vaste domaine coupé par la route allant vers Grasse, tracée au milieu du XIXe siècle.

On vit là pratiquement en autarcie ; le lait provient de la ferme familiale, les terres arrosées par plusieurs sources produisent en abondance. Un poulailler, un clapier, des oliviers, des vignes et même un rucher fournissent le reste. Le petit Henri y mène une existence d’enfant de grands bourgeois, un mode de vie qui n’a pas beaucoup changé depuis l’ancien régime. Autour de lui une nombreuse domesticité s’affaire : intendant, gouvernante, cuisinière, maître d’hôtel, femmes de chambre ; une fois par semaine on fait venir de Vence une ravaudeuse, oui, même dans ces riches familles on reprise les vêtements. Cinq fermiers s’occupent à plein temps des terres, un jardinier du parc du domaine, un berger des moutons de la bergerie, un palefrenier pour les chevaux, et un cocher qui dispose de trois coches pour les déplacements de la famille.

L’enfant a un précepteur pour son éducation ; plus tard il sera pensionnaire d’un lycée de Cannes. C’est un jeune homme qui, contrairement à son père, lequel traite son personnel avec condescendance, sait se montrer plus humain. Le métier des armes l’attire, il s’engage dans l’Artillerie pour trois ans le 11 octobre 1911. Son engagement terminé c’est la guerre. Ā la fin de celle-ci il a le grade de lieutenant. Poursuivant sa carrière militaire il se retrouve détaché dans l’armée polonaise, puis en 1922, avec le grade de capitaine, le voilà muté au 83e Régiment d’artillerie de Vincennes en qualité d’instructeur auprès des officiers de réserve, ensuite chef d’escadron en septembre 1934.

Lorsque la France déclare la guerre à l’Allemagne en septembre 1939, il participe, affecté comme chef d’Ētat major. C’est avec ce grade qu’il sera placé en congé d’armistice le 1er juillet 1940. Contraint donc par les circonstances de mettre fin à une brillante carrière, le colonel Henri Einesy quitte l’armée avec plusieurs citations à l’ordre de sa brigade, de son régiment, et de sa division. Ayant reçu la Croix de guerre en 1917 et fait chevalier de la Légion d’honneur en 1920, il en devient officier en 1940.

Ā son retour au domaine familial bien des choses ont changé. La France est coupée en deux, la zone libre est placée sous l’autorité de Vichy. Le maréchal Pétain ayant obtenu les pleins pouvoirs devient chef de l’Ētat. Les maires ne sont plus élus par le vote de leurs administrés, les candidatures au poste de premier magistrat, pour les villes de plus de 2000 habitants, sont soumises à l’approbation de la Préfecture. Pour la ville de Vence celle du maire sortant, Joseph Ricord, jugé trop vieux, est refusée. Henri Einesy, sur les conseils de son ami le général Vautrin, propose la sienne, elle est acceptée. Par arrété préfectoral du 8 février 1941, le voici maire de Vence pour les quatre années difficiles à venir.

Brillant militaire arrivé à la retraite en ayant fait son devoir, et bien au-delà, il aurait pu (il n’a pas 50 ans) vivre de longues et paisibles années auprès de son épouse, se consacrer à la gestion de son vaste domaine, tout en jouissant de l’estime des habitants d’une ville à laquelle il est très attaché ; mais pour lui, le dévouement semble être une seconde nature, il l’a prouvé durant sa carrière militaire, ses citations à l’Ordre de l’armée en font foi. En voici quelques extraits : « Jeune officier ayant au plus haut point le sens du devoir , ayant appris qu’un de ses camarades avait été tué dans un poste d’observation n’a pas hésité à se porter la nuit en 1èreligne pour ramener son corps… » (1917) ; «… a fait preuve au cours des opérations d’un dévouement et d’un allant remarquables » (1918) ; « Officier d’une rare énergie, et d’un total dévouement » (1920) ; « …organisateur remarquable et payant en toute circonstance de sa personne sans aucun souci du danger.. » (1939).

Cette nouvelle municipalité vençoise a deux particularités : ses membres n’ont pas été élus mais nommés, et elle comporte pour la première fois une femme : Honorine Michel.

Comme partout dans le pays, la situation est difficile. Vence a perdu, dans les combats sur le front du Nord-Est, quatorze des siens ; et cinquante autres ont rejoint les 1 900 000 prisonniers français internés en Allemagne. Le ravitaillement, principale préoccupation des habitants, est rationné par un système de tickets, le marché noir fait son apparition, favorisé par de nombreux réfugiés ou assignés souvent aisés qui vivent en ville. Soucieux de ce problème, le nouveau maire adresse à certains d’entre eux un avertissement suite à des abus qui font monter les prix. Lui et sa municipalité accordent toutes facilités aux œuvres de bienfaisance qui organisent pièces de théâtre, projections cinématographiques, conférences, dont les bénéfices sont distribués soit aux services sociaux de la ville, soit à Vichy où se trouve un bureau affecté spécialement à l’aide à nos prisonniers, et où à cette époque travaille François Mitterrand.

Henri Einesy est un maire très proche de ses administrés, il s’inquiète des difficultés de chacun. Il se lie d’amitié avec le Tchèque Joseph Fisera* dont notre association a retracé l’histoire oubliée de la Maison d’Accueil du quartier du Pioulier, où il a caché et sauvé de nombreux enfants juifs. Joseph Fisera* dans son livre paru à Prague en 2002, lui rend hommage - ainsi qu’au commissaire Hermann, fonctionnaire en charge du tout nouveau commissariat vençois - pour toute l’aide apportée dans la période de la rafle des Juifs étrangers ou apatrides, ordonnée par Vichy du 26 au 28 août 1942. En voici des extraits : « Dans ces temps difficiles le maire de Vence, le colonel Henri Einesy nous a beaucoup aidés… Dès notre installation à Vence il nous a facilité la tâche, pendant les rafles de 1942 il a fait le maximum pour nous, téléphonant, se rendant à Nice… Et le colonel est devenu à Vence notre protecteur et ami… ».

Le 11 novembre 1942, suite au débarquement des Américains en Afrique du Nord trois jours avant, la zone libre est occupée par les troupes allemandes et dans notre région par les troupes italiennes. Deux garnisons de la 4e armée s’installent à Saint-Paul et Gattières  au mois de février 1943 le gouvernement de Vichy, en accord avec les autorités allemandes, instaure le Service du Travail Obligatoire (S.T.O.), les jeunes gens touchés par cette mesure iront travailler en Allemagne. Le maire de Vence s’efforce, dans la mesure de ses possibilités, d’éviter ce départ à quelques-uns de ses administrés, en fournissant des certificats attestant que l’intéressé exerce dans la commune une fonction nécessaire à la bonne marche de celle-ci, ce qui est un cas d’exemption, ou encore en orientant vers un médecin prêt à attester que la santé du requis ne lui permet pas de partir. Ce fut le cas du père de l’auteur de cet article.

Ce même mois de février, les autorités italiennes annoncent au maire l’arrivée prochaine de 350 étrangers jugés suspects et assignés à résidence. Vence, tout comme St Martin Vésubie, a été choisie en regard des possibilités de logement qu’elle offre par ses nombreux hôtels et pensions de famille. Parmi ces nouveaux arrivants, 87 Juifs. Des représentants de l’Union Générale des Juifs de France (U.G.I.F) - organisation d’entraide créée à l’initiative du gouvernement de Vichy, et dont le rôle fut quelquefois assez ambigu - sont reçus par le maire qui leur accorde toute facilité pour l’installation d’un restaurant communautaire pour leurs coreligionnaires.

Henri Einesy devient le 11 mars 1943 membre du Conseil départemental au titre du canton de Vence. Ā l’occasion de cette nomination, le préfet Jean Chaigneau fait son éloge : « Administrateur de classe, faisant preuve de courage et de dévouement dans une commune délicate », allusion aux nombreux étrangers en résidence forcée à Vence, contraints à l’oisiveté dans un petite ville laborieuse ne comptant pas 6000 habitants, ce qui n’allait pas sans problèmes divers.

Après le départ des Italiens suite à la chute du régime de Mussolini, les Allemands occupent la totalité de ce qui fut jusqu'en novembre 1942 la zone libre. Arrivent à Vence, en septembre 1943, les troupes de la 60e Panzer grenadier, état-major du 120e Régiment de fusiliers motorisés commandé par le colonel Von der Haggen, et le 160e bataillon de chars commandé par le major Baum, qui resteront jusqu’au 6 octobre. Ceux-ci partis, quelques jours après arrive une garnison de la 148edivision de réserve ; ils ne partiront que le 27 août de l’année suivante. Durant cette période, sa bonne connaissance de la langue allemande facilitera au maire les contacts en faveur de ses administrés auprès des autorités d’Occupation.

Tout en incitant ouvertement les Vençois à l’attentisme et à éviter toute provocation, même verbale, qui aurait pu avoir des réactions fâcheuses de la part de l’occupant, de façon évidemment beaucoup plus discrète il renseigne ceux qu’on appelait à l’époque les “terroristes”, et agit en faveur des Israélites persécutés. Nous y reviendrons en fin de cet article.

Les services de sécurité allemands basés à Nice arrêteront, de novembre 1943 à juillet 1944, 24 Juifs français et étrangers sur la commune. Henri Einesy intervient alors énergiquement et par écrit auprès des responsables : « Si les autorités allemandes désirent assurer leur propre sécurité et la tranquillité publique je ne vois rien là que de très normal, mais j’estime que les arrestations auxquelles elles se livrent sont exécutées dans des conditions nettement arbitraires et reposent sur des dénonciations pratiquées par des misérables ».

Dans le cadre de l’organisation Todt, qui a pour but la construction d’éléments défensifs le long de la côte et dans l’immédiat arrière-pays pour contrer un probable débarquement des forces alliées, 40 Vençois sont requis pour ces travaux au plateau St Michel – aujourd’hui stade de Gaulle - et au quartier du Malbosquet, six jours par semaine, au salaire de huit francs de l’heure. En février 1944 les exigences passent à 80 hommes, le maire de Vence proteste à nouveau, estimant qu’on ne peut en prélever plus de 60 sur le contingent des 800 hommes valides de la commune. Le 9 avril des coups de feu sont tirés sur une sentinelle allemande. Le 9 mai un camion appartenant à un Italien, qui l’utilise pour le service de l’occupant, est incendié. Le sentiment d’insécurité devient plus fort chez l’Allemand. Des accrochages se produisent avec la 27e Compagnie F.T.P. dans les communes environnantes. Le 18 mai à la sortie du cinéma Alhambra, un supposé collaborateur est abattu.

Le 17 juillet 1944 à cinq heures du matin, venant de Nice, le service de sécurité allemand, aidé par la feldgendarmerie, procède à l’arrestation de 187 Vençois, qui partent par les cars de la S.A.P. réquisitionnés pour la circonstance, vers la caserne des Diables bleus à Nice. Ils y resteront cinq jours dans des conditions très pénibles. Après plusieurs interventions d’Henri Einesy, et vérifications et contrôles d’identité, la plupart seront relâchés. Dans une note d’information de ce dernier destinée au préfet, on peut lire : «… les autorités allemandes ont invité le commissaire de police de Vence à faire connaître cette mesure à la population qui saura apprécier la grandeur de ce geste, et qu’à l’avenir elle saura rester calme ». Seuls six habitants seront déportés suite à cette rafle : deux s’évaderont du train à Lyon, deux rentreront d’Allemagne après les hostilités, et deux autres, arrêtés comme réfractaires au S.T.O., seront plus tard reconnus comme Juifs. L’un mourra en camp, l’autre peu après son retour, des suites de son incarcération.

Ā partir du 22 août, passent par Vence (se dirigeant vers la vallée du Var) divers éléments en retraite de la 148e division, cantonnés sur la côte. Les 23 et 25 août le maire de Vence rédige en mairie deux comptes-rendus intitulés « Situation générale » ; on y trouve de précieux renseignements. Ainsi sur les réquisitions intervenues le 22 : « Nous assistons à une véritable main mise sur les bicyclettes, remorques, voitures Hippo, chevaux, mulets et ânes. L’autorité allemande distribue des bons de réquisition affectés de prix nettement insuffisants. 200 marks au maximum pour un mulet, 20 marks pour une bicyclette. J’ai demandé une audience au général Fretter Pico1 pour obtenir une révision à la hausse de ces bons ». Textes manuscrits, signés et portant le tampon de la mairie, ce sont les derniers documents officiels de celui qui n’est plus que pour deux jours le premier magistrat de la ville.

Le 27 août à 16 heures, les dernières troupes d’Occupation ont quitté la ville. Peu après est constitué en mairie un Comité français de libération nationale composé de 23 membres, parmi lesquels 11 communistes dont un médecin, Marcel Benoist, qui en prend la présidence. Sa première mesure est de décréter une journée de deuil en mémoire des résistants abattus par les Allemands, et de maintenir le couvre-feu suite à l’insécurité qui règne en ville et dans les écarts. Arrivent cet après-midi-là quelques F.T.P. qui se cachaient dans la montagne et qui jugent qu’il n’y a rien de plus urgent à faire que de tondre et faire défiler quelques jeunes filles ou femmes qui sont censées avoir eu une liaison avec l’occupant. Les mêmes d’ailleurs s’emparent, dans ce jour tragique, du maire destitué et de son épouse pour les fusiller devant la mairie. Ils seront sauvés par quelques courageux Vençois. Le commissaire Ehrmann quelques jours plus tard n’aura pas cette chance. Ce père de deux enfants sera assassiné par les mêmes FTP. Conduit à Grasse et emprisonné dans le cadre de l’épuration qui touche tout l’appareil administratif instauré par Vichy,

Henri Einesy ne sera jugé que le 19 décembre 1945, 16 mois emprisonné à subir les pires sévices.

Revenons au récit de Joseph Fisera* déjà cité plus haut, et qui avait tenu à revenir à Grasse pour le procès de son protecteur et ami comme il le définit lui-même : « … jugé à Grasse par un tribunal d’épuration, le seul témoin à charge contre lui a été le maire provisoire nommé après son arrestation, un communiste. Plus de 50 personnes sont venues à la barre témoigner en sa faveur. Entre autres des jeunes gens qui ont déclaré que le colonel Henri Einesy leur avait évité le S.T.O., un autre qu’il avait sauvé ses deux fils de l’arrestation. Un résistant est venu dire que le colonel leur avait signalé par avance des opérations prévues contre eux par les Allemands. J’ai moi aussi été sollicité. J’ai fait bien sûr une déposition en sa faveur, ainsi que le pasteur Toreille, qui malgré sa maladie avait tenu à faire le déplacement. Le maire de Vence a été relaxé sous les applaudissements de l’assistance. J’étais venu à Grasse un jour avant, j’en ai profité pour aller à Vence saluer quelques amis, dont la famille L. J’ai été surpris lorsqu’ils m’ont conseillé de minimiser les mérites du maire de Vence lors de son passage au tribunal. Plus tard lorsque le père est devenu député communiste j’ai compris pourquoi il partageait la même attitude avec le seul témoin à charge ».

Mario Brun, journaliste à Nice-Matin, nouveau quotidien qui remplace la presse régionale, victime de l’épuration, signe dans l’édition du 20 décembre 1945 un long compte-rendu du procès de la veille. Henri Einesy, tout comme d’ailleurs le maréchal Pétain, est inculpé en vertu de l’article 79 de « relations avec l’ennemi » et partant « d’atteinte à la sûreté de l’Ētat » par le président Pinardon, lui-même nommé… par Vichy. Une ambiguïté identique pour le procureur Mornet au procès Pétain. Ētrange époque où la gendarmerie et la police, avec souvent les mêmes hommes, ceux qui, il y a peu, arrêtaient les résistants et les Juifs, et font maintenant la chasse aux collaborateurs, ou supposés.

Tout au long de ce procès, le seul témoin à charger le docteur Marcel Benoist semble surtout agir par antipathie personnelle vis-à-vis de l’inculpé, une rancœur tenace suite à un rapport demandé par le préfet Ribiere, et qui aurait dû rester confidentiel, sur d’éventuelles irrégularités dans la gestion d’un sanatorium dont il était directeur, accusations sans objet d’ailleurs. Face à lui c’est un déferlement, le mot n’est pas trop fort, de témoignages élogieux de la part de 55 témoins de tous âges et conditions sociales. On ne peut les citer tous. Notons au passage les interventions à la barre du général de Castelnaudary, dont le colonel Henri Einesy fut le chef de bataillon, de maître Hugues alors maire de Vence, de l’abbé Alfred Daumas*, résistant, M. Colignon président de l’Association départementale des prisonniers, le commandant de gendarmerie des Alpes-maritimes Soymies, le maire de Tourrettes-sur-Loup, Geoffroy, le professeur Trotabas de la faculté d’Aix qui déclare que l’ancien maire a caché des Juifs2, et puis de nombreux Vençois de milieux plus modestes, tous ceux qui, grâce à Henri Einesy, ne sont pas partis au S.T.O., ou ont été libérés après la rafle de juillet 44. Tous, toutes classes sociales confondues, affirment avec la même sincérité que dans ces temps troublés le colonel n’a failli ni à l’honneur ni à sa tâche, et qu’il n’a toujours agi que dans l’intérêt de ses administrés.

Tard dans la nuit le verdict est prononcé : l’accusé est relaxé sous un tonnerre d’applaudissements. Mais Henri Einesy ne se remettra jamais de sa longue détention et des sévices subits, il mourra le 4 avril 1958. Dans les années 60 le Conseil municipal était majoritaire pour donner son nom à une voie proche de son domaine, projet qui n’aboutira pas, on se doute sous quelle influence.

Depuis deux ans, à l’initiative du Colonel Guizol et de moi-même une messe est célébrée à sa mémoire en la cathédrale, y participent de nombreux Vençois, dont Pierre Marchou alors maire de Vence. L’an dernier, le député Lionel Luca a tenu à se faire représenter par sa suppléante Mme Anny Double. Une gerbe de fleurs fraîches a été déposée au cimetière de Vence, là où repose cet homme d’honneur, de devoir et d’abnégation.

Sources : Jeannine Gardan, nièce d’Henri Einesy
Archives Départementales des Alpes Maritimes (A.D.A.M.)
« Vence dans la tourmente » de Jean-Louis Panicacci (Recherches régionales). Article très documenté mais aussi très tendancieux. Le chiffre des déportés suite à la rafle de juillet 44 est porté à 60, et le maire comparaît au Tribunal comme… milicien !

18/12/2022
Auteur : Raymonde Ardisson Lien : Vence Canal Historique

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1 Les enfants et amis Abadi (Voir le site Les enfants et amis Abadi, remarquable !
Odette Rosenstock et Moussa Abadi avec le concours de Monseigneur Paul Rémond, Archevêque-Évêque de Nice, ont créé le réseau Marcel pour lutter contre le nazisme et les lois antijuives de Vichy. Ils ont caché et sauvé, dans le diocèse de Nice, 527 enfants juifs de 1942 à 1944.
« Les Enfants et Amis Abadi » est une association loi 1901 créée le 4 mai 2000 par Jeannette Wolgust. Elle a pour but de réunir les amis et les enfants cachés par Odette et Moussa Abadi, afin de préserver et perpétuer leur mémoire, et plus généralement de préserver et perpétuer la mémoire de la Shoah. )
2 Association pour la Mémoire des Enfants Juifs Déportés des Alpes Maritimes (l’AMEJDAM a été créée, à l’initiative de fils et filles de déportés, d’enfants cachés et d’anciens élèves des écoles de Nice et des Alpes-Maritimes, afin de pérenniser la mémoire des enfants juifs scolarisés dans ces établissements, arrêtés et exterminés en déportation, durant la Seconde Guerre mondiale. )
3 Guide des Archives départementales des Alpes maritimes (Guide des sources d'histoire de la Seconde Guerre mondiale conservées aux Archives départementales des Alpes maritimes )
4 Camp de Saliers. 1942-1944. Une mémoire en héritage. (Histoires et mémoires du camp d'internement pour Nomades de Saliers (Bouches-du-Rhône) ayant accueilli près de 700 voyageurs, sinti, manouches, gitans, yeniches, mais aussi forains, dont 26 ne sont pas revenus… Na bister! (N'oublions pas!) )

Notes

- 1 - Le général Fretter Pico, commandant la 148e Ersatz division partie de Grasse pour renforcer la défense de Nice, a séjourné à Vence du 24 au 26 août. A-t-il reçu Henri Einesy et sa réclamation ? Quoi qu’il en soit voilà encore un exemple, même dans de telles circonstances, du souci qu’a le maire de l’intérêt de ses administrés
- 2 - Argument qui n’intéresse pas grand monde à l’époque. Dans les minutes du procès Pétain, une ligne seulement est consacrée à la rafle des Juifs étrangers d’août 1942.

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